La Centrale nucléaire de Fessenheim
Energie Electrique du Rhin a débuté la mise en construction de la centrale hydraulique de Kembs, sur les rives du Rhin, en 1928 et l’a mise en service en 1932. En 1946, la centrale est nationalisée et EDF, nouvellement créée, en reprend la gestion.
L’ouverture du Grand Canal d’Alsace en 1959 permet la mise en service de 3 autres centrales hydroélectriques à Ottmarsheim (1952), Vogelgrun (1959) et Fessenheim (1966). EDF décide alors de diversifier ses modes de production d’électricité et s’oriente vers le nucléaire qui est faible émetteur de gaz à effet de serre.
La première centrale nucléaire de France voit le jour à Fessenheim.
Le choix d’implantation de la centrale nucléaire à Fessenheim est dicté par la présence du Rhin au travers de la présence du Grand Canal d’Alsace. Cette situation au bord des fleuves ou en zone côtière est essentielle pour cette centrale et le sera pour le futur parc électro-nucléaire français. Elle permet de répondre aux besoins en refroidissement des réacteurs et donc afin de garantir une source d’eau froide au débit suffisant et constant. Il y a aussi la nécessité d’avoir une surface suffisante (typiquement de l’ordre de 150-200 hectares pour 4 réacteurs) avec des sols stables capables de résister au poids des installations. Un troisième facteur est de permettre des acheminements « aisés » des convois exceptionnels de matériaux, assemblages pour la construction, la maintenance, l’évacuation des déchets et in fine… le démantèlement des installations.
Par ailleurs,choisir une implantation en milieu rural est stratégique : la commune de Fessenheim répond à ce critère de ruralité et offre des possibilité d’accueil et de développement aux agents EDF et leurs familles.
En 1974, le ministre de l’industrie Michel d’Ornano donne les directives pour le déploiement du parc nucléaire en France avec en particulier, la systématisation des installations en zone rurale : pour bien sûr des raisons de sécurité mais aussi pour s’isoler davantage des éventuelles oppositions de manifestants anti-nucléaires. Fessenheim répondait déjà à ces critères.
Riverains et écologistes français mais aussi allemands et suisses se mobilisent avant même le lancement ds travaux. La future centrale est en effet située à proximité du tracé d’une faille sismique active qui traverse la vallée du Rhin. Manifestations, défilés, grèves de la faim… Leurs moyens sont non-violents. Leur détermination est féroce. Une radio pirate, Radio Verte Fessenheim, future Dreyeckland, est créée à cette occasion pour relayer les informations entre les citoyens engagés qui voient dans cette énergie un danger pour la vie et les habitants
Les travaux du premier réacteur nucléaire à eau pressurisée débutent en 1971 et se terminent en 1977. Le second réacteur est construit de 1972 à 1977. Raccordés au réseau électrique en 1978, la centrale est alors mise en service et exploitée par EDF.Chaque année, pendant 41 ans, elle produit 11,9 millions de MWh soit près de 80 % de la consommation alsacienne. 700 salariés EDF et 280 salariés permanents d’entreprises prestataires y travaillent (chiffres 2018 – EDF).
La commune de Fessenheim accueille une partie des agents EDF et leurs familles. Leur venue permet son essor. Chaque année, elle perçoit 3,4 millions d’euros versés par EDF. Cela lui permet d’offrir à ses habitants une qualité de services digne des grandes villes : collège, périscolaire, crèche, médiathèque, complexe omnisport… La vie associative y est riche et diversifiée. De 1975 à 2014, Fessenheim aura même sa propre piscine.
Régulièrement, des contrôles sont effectués par l’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) pour s’assurer que la centrale nucléaire de Fessenheim présente les garanties de sécurité optimales et ordonne des mises en conformité régulières.
En 1986, l’accident majeur survenu dans la centrale de Tchernobyl en Ukraine a rendu visibles les risques d’accident nucléaire. En 2011, celui de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon relayé en continu par les chaînes d’information marque les consciences. Elle aussi était à proximité d’une faille sismique active et a été balayée par un tsunami. Les protestations anti-nucléaires en Alsace donnent de la voix contre la centrale nucléaire de Fessenheim.
Depuis l’an 2000, 11 séismes d’une magnitude supérieure à 3,5 sur l’échelle de Richter ont été enregistrés au niveau de la faille du sillon rhénan. Les voisins allemands et suisses s’inquiètent pour leur sécurité.
Par ailleurs, la centrale nucléaire se trouve en zone inondable, à environ 8,5 m en-dessous du niveau des eaux du Grand Canal d’Alsace, protégée par une digue susceptible de se rompre et de recouvrir le site sous 1 à 2 mètres d’eau.
Un accident menacerait directement la vie de plus d’un million de personnes dans un rayon de 30 km, 7,3 millions d’habitants dans un rayon de 100 km, sans compter le tort qui serait porté au tourisme de l’Alsace (18 millions de visiteurs/an et 36 000 emplois associés).
Enfin, une pollution du Grand Canal d’Alsace aurait des répercussions jusqu’à l’embouchure du Rhin et toucherait tous les pays situés le long de son cours.
La centrale a été conçue pour résister à un séisme de magnitude 6,7 sur l'échelle de Richter et plusieurs études auraient écarté le risque d'une rupture de la digue du Grand canal d'Alsace et d'inondation du site. Les antinucléaires contestent ces résultats.
Le choc des images et le principe de précaution sont suffisants pour mettre la fermeture de la Centrale nucléaire de Fessenheim au cœur de la campagne de la présidentielle française de 2012. Le candidat Hollande l’inscrit dans son programme. Elu, il encourage la transition énergétique qui aboutit, sous la présidence du Président Macron, à la signature du protocole d’indemnisation d’EDF par l’Etat français au titre de la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim.
Cette fermeture résulte d’une décision politique. Le choix de l’époque purement français de construire une centrale nucléaire à proximité d’une frontière induit aujourd'hui des logiques différentes puisque la réussite de la transition énergétique ne pourra se faire qu’en tenant compte des pays voisins. La France passe donc de politiques énergétiques nationales à des politiques énergétiques forcément a minima européennes.
Il s'agit de la première fermeture anticipée d’un site de production nucléaire rentable. Les deux réacteurs fermeront en février et juin 2020.
Le redéploiement des agents EDF et de leurs familles aura un impact fort sur la vie de la commune de Fessenheim et sur son développement économique.
Le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim nécessitera une vingtaine d’années.
L’après-Fessenheim s’organise et s’invente.
Différentes démarches sont initiées depuis 2018 (initialement par la mission de Sébastien Lecornu) et le projet de Territoire de Fessenheim auquel participent les politiques, les industriels, les scientifiques... Le projet Juxta Rhenum coordonné par Christelle Roy, et l’une de ces déclinaisons, l’Observatoire Hommes-Milieu sous la direction du Professeur Dominique Badariotti, sont des exemples de projets académiques soutenus par le CNRS, les Universités de Strasbourg et de Haute-Alsace.
Remerciements à Christelle ROY, Vice-Présidente "Stratégies et Développements", Université de Strasbourg - Coordinatrice du Projet Juxta Rhenum