A l’école publique
Destinée à former les jeunes pour qu’ils deviennent des citoyens acteurs de la société, l’école est un enjeu majeur des luttes d’influence entre les institutions religieuse et publique. La France penche résolument vers un système éducatif laïque dans les années 1880-1905, tandis que l’Alsace en reste au système fixé en 1850 par la loi Falloux, avec une école primaire à la fois publique et confessionnelle, ou exceptionnellement interconfessionnelle. C’est ainsi que de nombreuses communes alsaciennes confient leurs enfants à des enseignants issus des communautés religieuses spécialisées et placées sous le contrôle de l’État. Chaque enseignant est lui-même formé par des institutions publiques, les écoles normales, relevant de sa propre religion.
En 1924, le Cartel des gauches met l’uniformisation scolaire à l’ordre du jour, et déclenche en Alsace une levée de boucliers spectaculaire, organisée notamment par les mouvements catholiques. Cinquante-mille personnes se rassemblent le 20 juillet 1924 et 632 communes s’opposent à l’application des lois laïques, demandant le statu quo, finalement obtenu. Douze ans plus tard, le Front populaire veut rallonger la durée de scolarité pour compenser les heures d’enseignement religieux et d’allemand, et se heurte à son tour à une farouche opposition.
Si le régime nazi chasse les institutions religieuses de l’enseignement, la Libération apporte la consécration du modèle alsacien qui finalement ne sera plus remis en cause de manière fondamentale. C’est ainsi que les jeunes Alsaciens-Mosellans des années 1920, contrairement à leurs camarades du reste de la France, suivent chaque semaine des cours de religion quasi obligatoires (seule l’Inspection académique peut les en dispenser), sous la forme de trois heures de religion données par l’instituteur, et deux heures de catéchisme données par le ministre du culte dans les écoles primaires, une seule heure dans les lycées et collèges.
Ce modèle va tout de même évoluer et se rapprocher lentement de celui du reste de la France, non par la loi, mais en raison du phénomène de la sécularisation à partir des années 1950 : mutations sociales accélérées, crise du recrutement dans les congrégations. La religion est moins présente dans la société. Les institutions s’adaptent à ce nouveau contexte : les IUFM remplacent les écoles normales confessionnelles en 1990. L’’enseignement religieux n’est plus automatique : à partir de 2017, les élèves doivent s’y inscrire, les établissements scolaires étant tenus de le proposer. Et quand un « retour du religieux », ou plutôt de l’intégrisme, au niveau mondial, fait craindre une recrudescence de l’intolérance et de l’exclusion dans l’enceinte scolaire, c’est naturellement que la charte de la laïcité y est introduite et appliquée depuis 2013, en Alsace comme dans le reste de la France.