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Question 2

Le droit local des cultes alsaciens est-il une exception à l’échelle européenne ?  

Francis MESSNER

Non, le régime concordataire n’est absolument pas une exception à l’échelle européenne, bien au contraire puisque la plupart des États européens mettent en œuvre soit une procédure de reconnaissance des cultes, soit ont un système de droit conventionnel où ils passent des accords avec les cultes.

La seule exception qui existe dans les trois départements c’est que le régime des cultes, tel qu’il existe, est non évolutif puisque depuis le début du 19ème siècle aucun autre culte que les 4 cultes protestants, catholique, et juif n’a été reconnu formellement.

Messner 02

Valentine ZUBER

Le Régime concordataire en Alsace Moselle est une exception à l'échelle de la France métropolitaine, mais pas du tout une exception à l'échelle européenne. C’est-à-dire que dans de nombreux états européens, l’Etat accorde une attention et parfois une subvention, parfois même un contrôle aux différentes religions présentes sur le territoire qu’il choisit en fonction du temps de l’histoire du pays et donc les reconnaît en tant que tels comme Associations qui peuvent avoir des relations avec l'État. En France de l'intérieur c'est tout à fait différent. Depuis 1905 la loi de Séparation des Églises et de l’Etat dit bien ce qu'elle veut dire : c'est-à-dire qu’il n'y a pas de relations, en tout cas financières et même institutionnelles, entre l'État et les différentes religions.

Mais en Europe il y a ce modèle, concordataire ou non, de reconnaissance des différentes religions : c'est vrai en Allemagne, c'est vrai en Italie, c'est vrai en Espagne, c'est vrai en Angleterre et dans des pays qu’on dit encore de religion d’Etat comme le Danemark ou la Grèce.

Zuber 02

Pierre KRETZ

Ecoutez, à vrai dire je ne connais pas l'ensemble des législations au niveau européen mais en tant qu’Alsacien-rhénan, je traverse beaucoup le Rhin ; comme beaucoup de gens de ma génération, ma vie intellectuelle et culturelle se développe des deux côtés du Rhin et je constate qu'il y a en Allemagne ce fameux régime propre à la République fédérale, cette loi fédérale que celle des relations entre le citoyen, l’Etat et les Cultes et je constate que ce régime qui est en place en Allemagne fait vraiment partie de la société allemande, est enraciné de manière très, très profonde et s’illustre en particulier sur le plan fiscal puisque vous payez ce qu'on appelle la Kirchensteuer, l’impôt de l'Eglise, qui n'est pas négligeable, qui se retrouve sur votre feuille d'impôt et si vous sortez de l'Eglise, comme disent les Allemands « Aus der Kirche austreten : sortir de l’Eglise », et bien vous ne payez plus cet impôt. Mais cela a aussi des conséquences sur le plan social. J’ai par exemple une nièce, qui est mariée à un Allemand, qui habite à Mayence ; au moment de la scolarisation de ses enfants le problème c'est qu'elle était sortie de l'église. Or les Jardins d'enfants étaient confessionnels et ça lui a véritablement posé un problème.

Kretz 02

Sylvie LE GRAND

Et bien non ! Puisqu’il existe des régimes concordataires au contraire dans de nombreux pays comme l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, l’Espagne… Il y en a peut-être d'autres, je n’ai pas fait un recensement complet, mais quand on répond à cette question, il faut bien voir que par régime concordataire il faut entendre un système de droit conventionnel, le fait que religion et État s’entendent, gèrent leurs relations par le biais d’un traité.

Et pour parler de l'exemple que je connais le mieux, l'Allemagne, le régime concordataire est la règle concernant les relations avec l’Eglise catholique… Bon ça c’est un fait et on pense tout de suite à l'Eglise catholique quand il s'agit de concordat concordataire, c’est sur ce modèle que cela a été forgé.  Mais il existe en Allemagne des concordats à la fois dans divers Länder et à l’échelle de l’État fédéral. Donc au niveau des Länder c’est ce qu’on appelle le Bund : donc Länder : État fédéré, Bund : État fédéral, puisque l’Allemagne est depuis le Moyen-âge profondément marquée par le fédéralisme. Tout ce qui a trait à la religion et à la culture relève des États fédérés donc des Länder.  Mais ce qui est vraiment très intéressant - c’est donc pour ça que j'élargis cette notion de régime concordataire à d'autres confessions chrétiennes que le catholicisme, à savoir en Allemagne le protestantisme et les différentes églises protestantes, puisque ce modèle concordataire repose sur l’idée d’un contrat entre deux parties, Eglise et État – c’est qu’il existe également pour le protestantisme en Allemagne au niveau des Länder, des États fédérés donc, sous la forme de ce qu’on appelle les Landes Kirchevertrege donc les traités négociés entre Eglise territoriale ou provinciale d’une part et le Land ou État fédéré d’autre part, pour régler un certains nombres de points concrets. Donc on voit toute la prégnance en Allemagne du système concordataire au-delà de la seule Eglise catholique.

Alors ce système s’est développé en Allemagne après 1918 lorsque le système d'Eglise d'État a été supprimé, donc au moment de la création de la République de Weimar. Ce système concordataire ou conventionnel est encore si prégnant que c’est sur ce même modèle du contrat, du traité, que certains Länder ou États fédérés ont choisi de traiter avec certaines communautés islamiques après leur avoir reconnu le statut de Corporation de droit public. Donc on voit que l’Allemagne s’est engagée ainsi avec l'Islam sur la voie très complexe d'une reconnaissance au cas par cas de certaines communautés sur la base de ce modèle contractuel historique modelé sur ses relations avec les Eglises chrétiennes.

J’aimerais juste revenir sur… enfin conclure : j'aimerais faire une petite remarque disons parallèle, c'est que quand on relit le texte du Concordat de 1801, on est frappé par divers éléments qui conservent peut-être une pertinence au-delà des circonstances ou au contraire méritent d'être interrogés : la recherche de la paix religieuse, de l'unité, l'insistance sur la tranquillité intérieure du pays et, par ailleurs aussi, le souci tatillon du contrôle souverain.

Le Grand 02

Lucien JEAUME

Alors, est-ce que le régime concordataire serait une exception à l'échelle de l'Europe ?

Je réponds tout de suite que, dans sa formulation propre, le régime concordataire est issu de toute une tradition française - il faudrait remonter à la monarchie - mais surtout est issu de la tradition qui a produit le concordat de Napoléon de 1801. Ce Concordat est lui-même le résultat de terribles tensions religieuses durant la Révolution française, qui a été une catastrophe pour l'Église catholique notamment. Donc évidemment la formulation de ce Concordat a une empreinte française spécifique. Cependant les spécialistes, dont je ne suis pas, disent qu'il existe 15 pays en Europe qui relèvent du système de concordat, pas forcément un concordat d'ailleurs avec l'Église catholique, ça peut être avec d’autres confessions, et selon des modalités différentes. Donc je m'en tiendrai là.

Jaume 02

Eliette ABEDECASSIS

Ha, alors sur cette question-là… j'avoue que vous me posez une colle parce que je ne suis pas spécialiste de tout ce qui se passe dans l’Europe. Je ne peux pas répondre à cette question. Je pense qu’il faudrait un historien ou un sociologue et je ne sais pas en fait ce qui se passe dans les autres pays européens. Vous vous le savez ?

Abedecassis 02

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